L'Oasis du Coq à l'Âme : faire société autrement

NEWSLETTER : GRAINES DE COOPÉRATION

7/8/20255 min read

En juin 2024, alors que je commence à m’intéresser aux éco-lieux, on me parle de l’Oasis du Coq à l’Âme. Un nom poétique, pour un projet bien ancré dans le concret. Après une semaine d’immersion, me voilà regonflée d’espoir dans la possibilité de faire société autrement.

➡️ Oasis du Coq à l’Âme est un éco-système vivant, fondé sur un pari : celui de conjuguer les transitions indissociables qui sont écologie, économie, humain et social… aujourd’hui.

Conçu dès 2016 par un collectif engagé, le projet prend corps en 2021, quand une vingtaine de foyers s’installent au domaine d’Échoisy, en Charente. Ensemble, ils réhabilitent les lieux, développent leurs activités, et surtout, ils expérimentent une autre manière de vivre et de coopérer.

Ce qui les rend uniques ?

🧩 Des profils variés

À l’Oasis, les chemins de vie sont aussi variés que complémentaires : des personnes venues de la ville ou du coin, des jeunes en quête de sens comme des retraités actifs, des familles comme des célibataires, des profils manuels comme intellectuels, avec des histoires, des métiers et des origines sociales très diverses.

En tant qu’accompagnante, je remarque combien la diversité des profils est une richesse, mais aussi un défi. Créer un cadre qui respecte les individualités tout en favorisant une culture commune demande un vrai travail d’alignement. Or c’est ce qui les relie ici : une raison d’être forte.

🌟 Une raison d’être puissante

Le point commun entre tous les habitants ? Leur choix de faire partie de quelque chose de plus grand, une énergie puissante qui les relie à la raison d’être :

Être, faire et vivre ensemble, dans l’élégance de la sobriété heureuse, dans l'harmonie de la diversité du vivant. Expérimenter les chemins solidaires du quotidien qui ré-enchantent le monde ! Un éco-hameau solidaire pour être co-responsables de nos besoins et de nos impacts.

C’est frappant de voir à quel point une raison d’être claire et partagée agit comme un socle de cohésion. Elle permet de prendre des décisions, d’arbitrer les tensions, de retrouver le cap quand les désaccords surgissent et surtout de rassembler. (J’en parle plus précisément dans cet article : la vision, un outil puissant pour fédérer)


📜 Un modèle juridique limpide au service du projet

La clarté juridique m’a marquée. Pourtant, c’est un exercice périlleux : comment gérer les activités et la propriété ? Quand les flous persistent, la confiance et la coopération en prennent un coup.

Ici, le cadre est transparent, au service du projet, et c’est une vraie clé de sécurité psychologique :

  • Une SCIC : Propriétaire du foncier, elle s’inscrit dans le champ de l’économie sociale et solidaire. Ses activités sont autour de la formation, accompagnement de projets et transmission de savoir-faire.

  • L’association Coq à l'Âme : structure historique,reconnue officiellement d’Intérêt Général. Elle est porteuse du comité scientifique qui accompagne le projet dans ses choix, de l’expérimentation en agro-écologie et de la préservation de la biodiversité, de la sensibilisation à la nature et au respect de l’environnement (compost et zéro déchet compris) et des actions culturelles.

  • L’association des habitants : Préserve et entretien le patrimoine et sensibilise à ce mode de transition par de l’accueil immersif.

  • Une SAS : EnR16 pour l'installation de panneaux photovoltaïques

Cette clarté, je l’ai aussi retrouvée dans leur mode de fonctionnement.


🛠️ La co-responsabilité incarnée

Je voulais finir cet article par un pilier fondamental du lieu : la co-responsabilité.

Un éco-hameau solidaire pour être co-responsables de nos besoins et de nos impacts.

1) La co-responsabilité de nos actions

Ce concept partagé par l’holacratie et la sociocratie, nous montre qu’il est possible de fonctionner autrement : pas de chef avec responsabilité, mais une souveraineté individuelle. Chacun agit, pas parce qu’on lui a “donné une tâche”, mais parce que le collectif est notre affaire à tous. Chacun est invité à contribuer, en conscience.

Pour ce faire, ils ont mis en place les outils de la gouvernance partagée :

  • Un cadre vivant et explicite → Les règles de fonctionnement sont co-construites, connues de tous et régulièrement ajustées. Elles servent à sécuriser les relations, pas à les figer.

  • Des rôles clairs et évolutifs → Chaque personne a un ou plusieurs rôles définis, selon ses envies, ses compétences et les besoins du collectif. Ces rôles ne sont pas figés, ils peuvent être ajustés dans le temps.

  • Des cercles de décision → L’organisation est souvent structurée en cercles (équipes ou pôles), chacun responsable d’un domaine précis. Chaque cercle fonctionne de manière autonome tout en étant relié aux autres.

  • Des décisions prises au consentement → On ne cherche pas le consensus parfait, mais l’absence d’objection. Ce mode de décision favorise l’avancée tout en intégrant les tensions constructives.

Ce qui me semble essentiel, c’est que la gouvernance n’est pas ici un ‘outil’ plaqué, mais une culture vivante, incarnée par chacun. Beaucoup de groupes s’emparent de méthodes (sociocratie, holacratie…) sans les relier à un vrai travail de posture individuelle. Ici, chacun se sent concerné par la structure, et c’est ça qui fait toute la différence.

Et quand ça coince ? On en parle. On ajuste. On écoute.

→ Les désaccords sont vus comme des opportunités d’évolution. On prend le temps de les exprimer, de les écouter, de les transformer — souvent à travers des outils ou rituels dédiés.

Cela peut prendre du temps, mais qu’est-ce que c’est résilient !

La structure n’est pas rigide, elle soutient. Elle questionne aussi nos habitudes, notre rapport au pouvoir, à la place qu’on prend (ou qu’on ne prend pas), à l’argent aussi !

2) La co-responsabilité financière

Au Coq à l'Âme, la responsabilité va jusqu’à la question financière : contribution libre et consciente.

“À l’Oasis du Coq à l’Âme nous souhaitons faire vivre la solidarité financière. Pour cela nous pratiquons la co-responsabilité financière, au quotidien entre les habitants, mais aussi dans nos activités (animations, ateliers, formations, séjours, repas, évènements…) et pour la vente de nos produits .”

Par exemple, lors de mon séjour, on m’a présenté 3 tarifs indicatifs :

  • Coût : montant couvrant seulement les charges supportées par l’Oasis

  • Besoin : montant identifié à partir duquel l’activité peut être pérennisée

  • Coopératif : montant à partir duquel ma contribution soutien le déploiement du projet

👉 Aucun tarif imposé. Mais une vraie réflexion intérieure :

Combien je peux donner ? Combien je veux donner ? Quel est le juste équilibre entre mes moyens, mes valeurs et ma reconnaissance ?

🎯 C’est déstabilisant. Et incroyablement responsabilisant.

⇒ Suite à cette expérience, j’ai décidé d’ouvrir les Smartgroup que j’anime (rendez-vous mensuels ouverts à tous pour faire grandir ses projets) au prix conscient. Je vous ferai un retour d’expérience dans un autre épisode

Pour conclure :

👉 J’ai été marqué par leur lucidité : ici, la coopération n’est ni naïve ni magique. Elle se travaille. Elle se structure. Elle se nourrit de tensions, de désaccords, de réajustements… mais aussi de joie, de sens et de reliance.

Ce genre d’expérience nourrit profondément mon approche d’accompagnement : structurer des collectifs humains, où chacun peut contribuer à hauteur de ce qu’il est.

💬 Et vous, avez-vous déjà croisé des lieux ou projets qui vous ont donné foi en d’autres possibles ?

Je serais ravi de lire vos partages. ✨